Jemil Mansour est le Président du parti Tawassoul, une formation d’obédience islamique et une personnalité de poids sur la scène politique en Mauritanie.
L’histoire de son engagement remonte à son plus jeune âge, de l’époque où il était étudiant à l’université de Nouakchott et combattait la dictature du colonel Ould Taya, un activisme qui lui valut la prison, la torture et l’exil.
A l’expérience vécue à la tête de la commune de Arafat et dans les coulisses du parlement mauritanien, s’ajoutent la témérité avec laquelle il s’opposa au coup d’état militaire qui a renversé le premier président civil élu en Mauritanie ; son soutien aux Droits de l’Homme l’a amené à s’ériger, à maintes reprises, en fervent meneur de la lutte contre l’esclavage et le racisme.
Il se démarque enfin par l’éloquence du discours et un don de praticien du verbe, qualités en vertu desquelles ce politicien habile garde plus d’un tour dans son sac.
Jemil Mansour est un homme pragmatique qui sait choisir le moment d’observer une trêve et celui de faire preuve d’audace, une personnalité cultivée, éclairée, en possession d’un savoir éclectique ; de tels atouts font de lui une exception parmi ses pairs.
Taqadoumy a invité le président de Tawassoul à sa rubrique interactive « We Yesselouneka », «ils t’interrogent» ; il reçut, à cette occasion, des questions envoyées par des lecteurs, des intellectuels, de libres penseurs, des objecteurs de conscience et des politiciens.
Nous avons pris la précaution d’éviter de voir les intervenants se limiter, à poser à l’invité, des questions en rapport exclusif aux domaines de la doctrine et de la théorie.
Les interrogations ont été transmises, par nos soins, à Ould Mansour qui a accepta – et nous l’en remercions – d’y répondre.
L’entretien s’est déroulé de la manière suivante:
Jemal ould Yessa (homme politique et activiste des droits de l’Homme)
- Êtes-vous acquis à la liberté de croyance et de culte? Le cas échéant, que pensez-vous des dispositions du code pénal mauritanien qui condamnent à mort, l’auteur de l’apostasie et du refus de prier ?
Que pensez-vous aussi de la lapidation d’un conjoint adultère, c’est à dire, coupable d’une relation sexuelle hors mariage?
Si d’aventure vous arrivez au pouvoir que feriez-vous de ces lois qui n’ont pas été appliquées jusqu’ici?
- En réponse à la question de M. Jemal ould Yessa, je voudrai souligner que le code pénal, et c’est aussi le cas des autres lois, est le reflet des fondements religieux et culturels de la société mauritanienne.
De ce fait, il apparait que le code pénal mauritanien, notamment dans les dispositions, objet de votre question, a adopté la tendance de jurisprudence en vigueur sur laquelle s’entend la majorité des Oulémas.
Les peines, je le rappelle, se composent de deux parties, la première s’appliquant dans la sphère à laquelle appartient la personne pour la simple raison qu’elle fait partie des dispositions découlant de son affiliation religieuse et culturelle, l’autre opposable à une personne extérieure à cette sphère.
Partant de ce constat les oulémas et penseurs ont débattu de l’apostasie et sont sortis avec une opinion qui se situe à l’opposé de celle du point de vue dominant dans la jurisprudence islamique et qui de surcroît est adoptée par la plupart des rites musulmans, une opinion qui considère que la mise à mort de l’apostat est une question qui relève de l’appréciation de la politique juridique et non un « had » (littéralement limite) c’est-à-dire « une peine fixe » étant donné que cette peine change suivant la croyance.
A cela s’ajoute le fait que les peines fixes « ont été ordonnées » quand bien même elles sont mauvaises et dommageables, de l’avis même de Cheikh El Islam Ibn Teymiya, elles sont destinées à prévenir des actes plus nuisibles, tels que les crimes.
L’islam n’est pas apparu dans le seul but d’imposer des peines mais plutôt pour améliorer le bien être des gens et promouvoir la communauté humaine. La peine s’impose lorsqu’une personne transgresse les règles établies.
S’agissant de la nécessité de réviser ces lois et le code pénal, je dirai qu’une telle entreprise se justifie au regard des fondements de l’islam, d’une l’ouverture sur les différentes écoles de jurisprudence et de la nécessité de tirer parti du droit moderne.
On retrouve dans le saint Coran des versets très clairs: « Nulle contrainte en religion » – » le bon chemin s’est distingué de l’égarement » et « Est-ce à toi de contraindre les gens jusqu’à ce qu’ils deviennent des croyants?
L’islam a posé les fondements de la liberté de croyance dans la mesure où une religion n’a pas de sens si elle est imposée. D’ailleurs l’hypocrisie est indécente et inadmissible. On est responsable de sa religion devant Allah et non devant les êtres humains.
Ahmed Ould Samba, (un leader de l’Alliance Populaire Progressiste)
- Est-ce que vous allez vous présenter aux prochaines élections présidentielles de 2019?
- En réponse à la question de M. Ahmed Ould Samba je dirai qu’il est assez tôt de parler d’une candidature aux élections présidentielles prévues en 2019.
Personnellement le sujet ne m’intéresse pas tant ; en revanche, le sujet qui, de mon point de vue, mérite une ample réflexion est celui de voir émerger un projet de société et un candidat porteurs des espoirs de la force démocratique pour le changement ; je pense que les seuls slogans des partis ne contribueraient pas à l’atteinte d’un tel objectif.
Mohamed Vall Ould Oumeir (Directeur du journal, la Tribune)
- Vous assurez la présidence de l’institution de l’opposition, une structure qui n’est pas reconnue par l’opposition elle-même. A votre avis quel rôle pourrait jouer cette institution dans l’avenir?
- Que préparez vous pour l’année de l’alternance mécanique qui coïnciderait avec l’avènement à la tête de votre parti d’un nouveau chef, l’élection d’un nouveau président et l’arrivée au pouvoir d’une jeune direction politique?
- En réponse à la première question de M. Mohamed Vall Ould Oumeir, je dirai tout simplement que nous avons pris la direction de l’institution de l’opposition démocratique au terme de nombreuses tracasseries et dans une situation tout à fait exceptionnelle.
Dites-vous bien qu’aucune forme d’alliance ne nous lie aux partis avec lesquels nous partageons l’appartenance à l’institution de l’opposition. Il y a bien des différences entre notre approche en matière d’opposition et la leur. C’est également le cas de ceux avec lesquels nous militons au sein du Front National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU).
Certaines formations de ce groupe ont considéré que le boycott des élections de 2013 implique la non reconnaissance de l’institution de l’opposition démocratique ; le pouvoir s’est évertué à poursuivre, contre nous, des tracasseries d’ordre juridique, pratique et matériel (défaut de volonté de coordination avec l’institution).
Le Président, chef de file de l’opposition démocratique, s’est retrouvé ainsi dans une situation difficile qui l’a amenée à se concentrer sur l’amélioration du cadre administratif de l’institution et à éclairer l’opinion publique au travers des prises de position et des points de presse programmés ainsi que lors des activités et cérémonies dont l’impact était limité compte tenu du manque de moyens.
On est tout de même en droit d’affirmer que l’institution de l’opposition démocratique aurait pu jouer pleinement son rôle si ces problèmes ou une partie avait été résolu.
S’agissant de la deuxième question de M. Mohamed Vall, je dirai que le parti Tawassoul a choisi, dés le début, sa méthode de travail, la forme de sa structure et de son organisation et décidé d’être une entité porteuse d’une vision et d’un programme.
Cette situation a fait que la vie du parti et son avenir ne sont pas liés à des individus, quels que soient le volume et la nature de leurs apports.
C’est ainsi qu’il a été défini, à son Président, au Président de son Conseil (Mejliss Echoura) et à son Secrétaire général, des mandats renouvelables une seule fois. Et je pense qu’il est normal de voir changer la direction du parti en prélude au renouvellement prévisible du mandat présidentiel qu’impose la Constitution.
J’ai l’intime conviction que le parti Tawassoul est en mesure de proposer des dirigeants titulaires des qualifications requises pour affronter, avec succès, les défis et impératifs de la prochaine étape.
L’observateur qui suit de près le travail de la haute commission préparatoire des assises du parti, peut constater que nous sommes entrain de préparer, avec le plus grand sérieux, un excellent congrès qui va sortir avec une vision et une direction capables de faire face aux impératifs de la prochaine étape.
El Khalil Ould Tiyyeb (député de la majorité présidentielle)
- Vous pleurez la rupture des relations diplomatiques avec l’Etat frère de Qatar alors que vous n’accordez pas le moindre intérêt à la décision historique, prise par le président Mohamed Ould Abdel Aziz, de rompre les relations diplomatiques avec l’entité sioniste. Cela ne constitue-t-il pas, à votre avis, un dysfonctionnement dans votre système de pensée?
- Vous aviez dénoncé dans votre communiqué la décision mauritanienne de rompre ses relations avec le Qatar alors que vous aviez organisé, par le passé, une marche vers le bureau de l’ambassade de Libye à Nouakchott et l’ambassade de Syrie, pour réclamer la rupture des relations diplomatiques avec ces pays frères. Cela ne s’apparente t-il pas à l’application du principe de deux poids deux mesures? Est ce que votre position trouve sa justification dans le fait que Doha abrite la direction internationale des frères musulmans ?
- Le jour où vous étiez le rapporteur du dialogue révolutionnaire en Libye et membre de la commission de refus de l’établissement de relations avec Israël, créée à l’issue de ce congrès, vous vous présentiez alors comme étant un militant du panarabisme islamique. Et voilà qu’après la chute du régime panarabe en Irak et en Libye vous êtes devenu un adversaire de ce courant de pensée.
Vous persistez à dire, à l’époque, qu’abstraction faite de Saddam, de Nasser et des frères musulmans d’Egypte, il n’y avait pas de contradiction entre le courant nationaliste nassériste et le courant islamiste.
Ces positions reflétaient-elles réellement votre opinion ou étaient-elles purement destinées à la consommation?
- En réponse à la première question du député El Khalil Ould Tiyyeb, je dirai tout simplement que les termes « pleurer « ou feindre de pleurer » n’ont pas leur place en politique.
C’est également le cas des positions où il ne peut y avoir de place pour des sentiments débordants comme « pleurer » ou faire semblant de pleurer.
Le fait que nous ayons ignoré la rupture des relations diplomatiques avec l’entité sioniste n’est pas exact.
Bien que nous militions à l’époque au sein du Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD) et ne reconnaissions pas l’autorité issue du coup d’Etat, notre parti Tawassoul a publié un communiqué qui salue la rupture des relations avec Israël.
D’ailleurs, tout le monde a en mémoire les termes utilisés: « la rupture des relations avec l’entité sioniste peut se passer de l’existence d’un gouvernement jouissant de la légalité dans la mesure où l’établissement de ces relations est à l’origine un acte illégal ».
Il est vrai, en revanche, que la rupture de ces relations n’a rien changé à notre position vis-à-vis du pouvoir puisque notre problème fondamental avec le régime était le renversement de la démocratie.
S’agissant du Qatar, la question est à la fois claire et simple. Nous ne pouvons nous accommoder du fait que les positions de notre pays soient dictées par l’extérieur ou dépendent d’agendas étrangers ; or, les positions du Qatar, sur les suets de la Nation, de la Palestine et de sa résistance sont plutôt des facteurs qui nous rapprochent de ce pays, davantage qu’elles ne nous en éloignent.
- En réponse à la deuxième question du député El Khalil Ould Tiyyeb, le fait que nous ayons organisé une marche en direction de la représentation diplomatique de la Libye est dénué de tout fondement.
A rebours, nous reconnaissons le fait d’avoir participé à une marche en direction de l’ambassade de Syrie, réclamant la rupture des relations diplomatiques avec le gouvernement de Damas à un moment où les scènes de massacre et d’extermination avaient atteint leur apogée.
Même si nous laissons de coté les contextes et les raisons profondes ayant amené les peuples libyens et syriens à se soulever contre leurs gouvernants, il nous paraît inapproprié de chercher à comparer la situation du Qatar avec celles qui a prévalu en Syrie et Libye ou de qualifier notre position de « deux poids deux mesures ».
S’agissant, par ailleurs, de l’histoire de l’organisation internationale des frères musulmans, il y a lieu de noter qu’elle n’intéresse plus personne pour deux raisons essentielles: la première est que les entités considérées comme démembrement des frères musulmans ou proches de ce courant de pensée sont sorties d’un tel cadre, qu’elles considèrent désormais comme dépassé ; elles deviennent des entités appartenant à leur pays d’implantation et sur lesquelles s’appliquent ses lois, rompant ainsi toute forme de relation avec le système d’organisation d’antan.
La deuxième raison est que le Qatar n’a jamais été le cœur palpitant de ce qu’on appelle l’organisation internationale des frères musulmans. Ce mouvement était essentiellement présent en Europe et particulièrement en grande Bretagne.
Ceci dit nous aspirons à voir notre pays nouer des relations équitables avec tous les pays frères et amis et ne pouvons tolérer qu’il soit pris au piège des axes de clivage diplomatique dans la mesure où cette posture dessert ses intérêts et n’est pas à sa portée.
- En réponse à la troisième question du député El Khalil Ould Teyeb, je dirai qu’elle comporte des éléments qui méritent d’être tirés au clair.
Je commencerai par dire qu’à aucun moment je n’ai été le rapporteur du congrès du dialogue révolutionnaire démocratique organisé en Libye. J’ai assisté à ces réunions, aux cotés de plusieurs invités venus représenter des courants nationalistes, islamistes et gauchistes. Au cours des débats j’ai émis des opinions sur la démocratie qui n’ont pas été du goût de certains collègues et participants. Je ne me suis pas présenté en tant que panarabiste islamiste ; d’ailleurs cet aspect ne me préoccupait guère. Les enregistrements de ce que j’ai dit, à cette occasion, sont toujours accessibles et on peut s’y référer à volonté. J’aime la langue arabe et je m’investis pour la propulser vers le sommet. Je ne m’en cache pas mais ceci est une chose et le panarabisme en est une autre.
Il est vrai que je continue de croire à la nécessite de l’établissement d’un dialogue entre tous les courants de pensée, y compris le nationalisme arabe et je ne me sens prisonnier du conflit ayant opposé Gamal Abdel Nasser aux frères musulmans même si ces derniers étaient les victimes et le Rais la personne dans l’erreur.
Le terme panarabisme, lui, est un terme qui désigne une idéologie d’un autre âge dont l’utilisation est devenue inappropriée parce qu’il renvoie à une différenciation négative, dévalorisante, entre les arabes et les peuples islamisés.
Il s’agit donc d’une contradiction relevant d’un conflit ethnico culturel dont Allah m’a préservé. L’islam, c’est le lieu de le rappeler a uni ce que l’ère de l’ignorance (la Jahiliya) a désuni.
Le dialogue est recommandé entre les courants de pensée de la Oumma y compris le courant islamiste et le courant nationaliste à condition, toutefoi,s qu’il se fasse sur des bases nouvelles dont la plus importante est la référence islamique à la nation et au choix de la démocratie qui ne peut s’accommoder de la promotion de la dictature.
Mohamed El Kory Ould Arby (Président du parti de la Nation)
- Nul n’ignore que les pays du Golfe arabe réunis ont joué un rôle dans l’incitation à l’occupation de l’Irak et dans le financement de cette opération.
Ils ont joué par ailleurs un grand rôle dans le renversement du régime de Mouammar Khaddafi et la militarisation de la révolution syrienne.
Quelles sont, à présent, les raisons qui se profilent derrière l’animosité dont font preuve ces pays à l’égard du Qatar?
- En réponse à la question du Président Mohamed El Kory Ould El Arbi je dirai que je suis tout à fait d’accord avec lui pour dire que les pays du Golfe et avec eux d’autres pays arabes ont joué un rôle, on ne peut plus clair, dans l’incitation à l’occupation de l’Irak et ont servi, par cette entreprise, à concrétiser les agendas des occidentaux ; leurs craintes vis-à-vis du régime irakien de l’époque ne peuvent justifier une telle cette initiative.
Pour ce qui est de la Libye, la situation est différente, dans la mesure où l’acteur principal du renversement de Khadafi était le peuple libyen, même si l’on ne peut nier le rôle joué dans cette crise par des forces extérieures, comme l’OTAN, certains pays arabes et d’autres parties encore.
Certes, les pays du Golfe aient joué ce rôle, de concert, à une époque où ils poursuivaient le même objectif. De nos jours, les voici divisés ; en place et lieu de la cohésion antérieure, sont apparues des discordes, qui restent d’actualité.
De mon point de vue, les trois pays du Golfe reprochent au Qatar son dynamisme, sa position sur les révolutions du printemps arabe, son soutien à la résistance palestinienne et puis l’audience de la chaîne Al Jazeera ; il convient de ne pas oublier, non plus, les désaccords internes dans la région : il en résulte que tous les pays du Golfe sont soucieux de maintenir des relations avec l’Occident et les Etats-Unis en particulier.
De nos jours il se trouve que certains d’entre eux aspirent à obtenir une marge de manœuvre dans ce lien privilégié ; ils cherchent à ne plus rester prisonniers de certains dossiers, une aspiration qui s’avère problématique dans la phase de faiblesse caractérisée au sein de la Oumma.
Cheikh Nouh (écrivain et poète mauritanien)
- En tant que l’un des piliers de l’Islam politique en Mauritanie tant au plan de la théorie qu’à celui de l’exercice, quel regard portez vous sur les réformes engagées par la Nahda en Tunisie précisément dans le domaine de la séparation du prêche (Eddawa) de la politique. Et peut-on s’attendre à ce que le courant islamiste mauritanien engage des réformes similaires?
- Aux yeux de nombre de gens, les mouvements et partis religieux se lancent dans le jeu électoral, pour accéder au pouvoir mais, aussitôt parvenus, ils se trouvent obligés, animés qu’ils sont par des idées d’un autre âge, d’appliquer des mesures, démocratiques en apparence mais attentatoires au pluralisme et à la liberté, tels, par exemple, l’organisation de référendum sur la proclamation du Califat.
Les tenants de cette vision trouvent que la démocratie est un système récent, né depuis seulement quatre siècles et marqué par l’exercice des libertés, l’un de ses plus importants piliers en plus des Droits de l’Homme, alors que la religion repose sur la soumission à Allah.
De là, apparaît la volonté, par les « mouvements de l’islam politique », de s’ériger, au moins dans la rhétorique, en organisations ayant en charge l’application de la volonté divine.
Vues sous cet angle, la démocratie découle de la liberté et la religion de la restriction. Comment expliquez-vous ce constat?
- En réponse à la première question de l’écrivain Cheikh Nouh, je voudrai expliquer que ces réformes destinées à l’enracinement et à la rénovation de la pensée du courant islamique n’ont pas commencé avec l’avènement de la Nahda en Tunisie, malgré son rôle d’avant-garde.
Depuis maintenant une longue période, les sphères de la pensée islamique ont engagé des discussions et entamé la réforme d’un certain nombre de thèmes dont la part assignée au prêcheur et celle de l’homme politique mais aussi la nature de la relation entre eux.
L’apport du docteur marocain Saad Eddine El Outhmani dans ce domaine est remarquable. L’on peut le résumer ainsi: le domaine de la prédication sa particularité. Il a, pour fondement, la voie de la droiture, dans son sens le plus large.
Le domaine politique, lui, sort de la certitude pour paraphraser l’Imam des Lieux Saints, Abdel Melik El Jouiny. Les tenants de cette idée la désignent par le terme « distinction » pour éviter la rupture contenue dans le concept de laïcité. La distinction renvoie, cela s’entend, à la différence des domaines, dans l’uniformité des références dominantes.
Il a été utilisé aussi par l’Imam el Gharavi ( Vérfier orthographe svp ??????) dans les « Jugements » et réutilisé de nos jours par El Outhmani et El Ghannouchi.
L’on distingue deux sortes de politique : la politique de la religion et la politique de notre monde.
La politique de la religion consiste à l’accomplissement des obligations, alors que la politique de notre monde consiste à développer des richesses dans la conception d’ibn El Haddad.
En Mauritanie, le courant islamiste s’emploie, comme les autres mouvements islamiques actifs dans d’autres pays, à tirer le meilleur parti de ces théories. Parmi ses membres, l’on rencontre des gens très engagés pour leur application ; d’autres manifestent des réserve, en dépit du constant que l’ampleur des défis de la modernité incite à la réforme, à une rénovation conciliant la religion et les impératifs de l’époque.
- En réponse à la deuxième question de l’écrivain Cheikh Nouh, je dirai qu’il a commencé par un jugement pour finir par une synthèse qui ressemble à s’y méprendre à un jugement. Quoi qu’il pense, les mouvements islamiques, dans leur majorité, ont accepté et respecté les conditions d’exercice de la démocratie. A ma connaissance pas un seul parti islamique n’a organisé ou promis d’organiser un référendum sur le rétablissement du califat….
Pour les nombreux mouvements islamiques qui participent à l’émergence d’un Etat de droit, l’idée de rétablir le califat ne se pose pas. Dans la plupart des cas, ce sont les Frères musulmans et la démocratie qui sont les victimes de la dictature de régimes militaires, putschistes ou monarchiques.
Cela ne veut pas dire que la perception de la démocratie par les islamistes est exemplaire en référence au point de vue de la Fondation Carnegie ; il y a bien des zones d’ombre dans cette perception et un besoin vital d’y remédier sur le plan de la pensée avant celui de la politique, de manière à parvenir à une réconciliation totale et sans détour avec le pluralisme.
Les frères musulmans restent, en dépit de tout cela, les groupes les plus démocratiques dans leurs relations entre eux et comparativement avec les autres mouvements politiques.
S’agissant maintenant de la thèse selon quoi la démocratie est incompatible avec la religion pour la simple raison que le fondement de la religion est l’accomplissement des obligations alors que le fondement de la démocratie est la liberté, je me permettrai d’affirmer que cette théorie est tout à fait fausse.
La religion se fonde, tout d’abord, sur la liberté de l’homme envers toute forme de domination autre que celle du Créateur. La liberté est, en religion, la condition première de l’accomplissement du devoir et de la foi. C’est un choix et une conviction.
Toute religion est aussi un ensemble de lois qui a la force de restreindre ; cela est valable pour toutes les lois de ce bas monde et le processus des lois religieuses est différent de celui des lois modernes. L’on peut être, à titre d’exemple, un partisan ou un adversaire de la démocratie.
La démocratie se fonde sur le choix des gens, la légitimité et le contrôle populaires. Tout ceci a des fondements en Islam. Dire qu’il y a antagonisme entre la démocratie et l’Islam est inexact.
Houssein Ould Hamoud (journaliste et analyste politique à France 24)
- Avez-vous l’intention d’organier des activités de soutien aux sénateurs qui jusqu’à présent sont les seuls à mener le combat?
- L’organisation de marches, le jour du scrutin est-il le seul choix dont disposent Tawassoul et le FNDU?
- En réponse à la première question du journaliste Houssein Ould Hamoud, je dirai que nous autres du FNDU, suivons de près ce qu’entreprennent les sénateurs et nous le considérons comme un acte patriotique, à bien des égards.
Notre position ici, est claire et nous maintenons le contact avec les sénateurs. Parmi eux, l’on retrouve des membres des partis de l’opposition et des leaders du Forum. L’on peut s’attendre à une évolution des activités de l’opposition après la fête du Fitr.
- En réponse à la deuxième question de Houssein Ould Hamoud, je dirai que la position du Forum et celle des forces d’une opposition de poids sera annoncée bientôt et accompagnée d’un plan d’action au jour du scrutin ; si d’aventure celui a lieu, l’on découvrira un tas d’initiatives, le moment venu, s’il plaît à Allah.
Mohamed Vall Ould Abdellatif (Poète et romancier mauritanien résident en Arabie Saoudite)
- Y avait-il une opposition interne à la participation aux dernières élections législatives et sur quelle base la décision de participer à ce scrutin a-t-elle été prise?
- Au terme des dernières réformes, portant sur la relation entre la religion et le pouvoir, opérées par Nahda suite à l’engagement de la Turquie à protéger la laïcité, y’a-t-il eu des appels pour une révision locale de la vision du mouvement islamiste mauritanien?
- En réponse à la première question du poète Mohamed Vadel Ould Abdellatif, je dirai qu’il y a eu bel et bien une opposition interne au sein du parti Tawassoul au sujet de la participation aux législatives de 2013 mais elle représentait une minorité par rapport à la majorité qui s’est dégagée en faveur de la participation.
La situation a été tranchée grâce au vote des 60 membres du bureau politique qui est l’organe habilité en la matière et ce au terme d’une discussion où chaque membre (homme et femme) a eu l’occasion de donner son avis. L’occasion a été offerte, aussi, aux structures de base du parti, de prononcer sur la question.
- En réponse à la deuxième question de Mohamed Vadel Ould Abdellatif, je dirai que cette question rejoint une précédente, à laquelle j’ai déjà répondu même si la relation du parti de la justice et du développement à la laïcité mérite d’être tirée au clair.
La laïcité en Turquie a ses partis et ses partisans et le parti de la justice et du développement n’en procède.
En réalité le parti de la justice et du développement tente de se réconcilier avec la frange modérée des laïcs, celle là même qui prône la neutralité de l’Etat sur la question de la religion ; le parti agit ainsi dans le but de faire face à une laïcité extrémiste d’exclusion qui incite à combattre la religion et la restreindre au maximum.
Najeh Ould Ahmed (Universitaire)
- Le parti Tawassoul est-il acquis à l’idée d’un candidat unique de l’opposition aux prochaines élections présidentielles. De votre point de vue, est ce que l’on peut avancer déjà les noms de personnalités remplissant les conditions requises et sur lesquelles pourraient s’entendre l’opposition?
- En réponse à la deuxième partie de la question de l’étudiant Najeh Ould Ahmed, je dirai que Tawassoul est membre du FNDU et, chacun le sait, le Forum a confié, à une commission ad hoc, la mission de réfléchir à l’alternance en 2019. Les discussions au sein de cette instance se poursuivent, pour la définition d’une stratégie efficiente à cet important scrutin. De mon coté, je persiste à croire qu’il est de l’intérêt de l’opposition démocratique de s’orienter vers l’adoption d’une candidature unique à laquelle elle apporterait son soutien en 2019. C’est le meilleur choix, à mon avis. Il existe certes d’autres alternatives mais celle -ci est digne d’intérêt.
Lemniya Mouhamdi (Universitaire)
- Quelles sont les réalisations concrètes, accomplies par le Président Jemil Ould Mansour pour la société mauritanienne en tant qu’éminent homme politique du pays? Pensez-vous, d’autre part, que le succès d’un homme politique en Mauritanie se mesure à son degré d’éloquence?
- En réponse à la question de l’étudiante Lemneya Mohamdi, je dirai que je préfère de loin parler du projet de société de Tawassoul que de parler de ma personne. Tawassoul a réalisé, de mon point de vue, beaucoup de choses en dépit de son entrée récente sur la scène politique comparativement aux autres partis et malgré les tracasseries et les menaces dont il a été l’objet.
L’une de ses contributions a été de s’être révélé un parti à part entière et d’avoir émergé du lot en tant que formation organisée et dynamique dotée d’un programme qui consacre l’alternance démocratique en son sein.
Il a apporté sa contribution à l’exercice de la démocratie au travers de son engagement durant les dernières années mais aussi à grâce à sa participation électorale, en plus de l’apport de ses élus (parlementaires et maires) qui, de l’avis de tout le monde, sont des battants.
Sa contribution s’est matérialisée, par ailleurs, par des initiatives que distinguent leur capacité de mobilisation et une certaine clarté. Il est vrai qu’il y a eu des erreurs et des insuffisances que nous nous attelons à corriger et à dépasser.
Ceci dit je pense qu’il n’y a pas de mal à ce qu’une personne soit éloquente ou que ses propos soient accessibles à tous : « Seigneur, ouvre-moi ma poitrine et facilite ma mission, et dénoue le nœud en ma langue afin qu’ils comprennent ce que je dis » .
El Moustapha Naji (Etudiant deuxième année master spécialité génie d’irrigation)
- Vous êtes sorti avec un discours plutôt codé à l’issue de la rupture des relations entre la Mauritanie et le Qatar, un discours où d’aucuns reconnurent le langage de la menace alors que d’autres y ont vu le signal d’un retour à la lutte clandestine, votre lot quotidien, avant la reconnaissance du parti. Ma question: Quelles sont les solutions de rechange dans le cas où votre parti serait dissous?
- L’opposition nous a habitués à l’organisation de marches chaque fois qu’il était question d’un troisième mandat ou d’un référendum, à titre d’exemple. Force est de constater que nous n’avons pas assisté à l’organisation d’une marche par l’opposition lorsqu’il y a une hausse des prix ou un taux élevé du chômage. Cela ne revient-il pas à considérer que l’opposition ne s’intéresse seulement au pouvoir?
- En réponse à la première question de l’étudiant El Moustapha Naji, je dirai que les propos tenu par moi à cette occasion n’étaient pas codés et ne comportaient pas de menaces.
Nul n’ignore que l’obtention d’une autorisation de manifester est loin d’être une chose facile. Elle obéit à des règles ; ceux qui arrivent à en décrocher une savent bien apprécier le contexte et le climat administratif dominant, dans lequel ils sont appelés à se mouvoir. Lorsqu’une autorisation est retirée, l’on assiste généralement à de nombreux commentaires et à des discours d’une grande clarté et d’une grande rigueur.
L’action, pourtant, ne peut être limitée par les tracasseries administratives et les règles régissant les autorisations.
Le passage à l’activité clandestine est une décision autonome et stratégique. Le parti Tawassoul est une vision et un projet. Et il n’est pas possible de dissoudre une vision ou un projet.
- En réponse à la deuxième question de El Moustapha, je dirai que les préoccupations d’ordre politique sont perpétuellement d’actualité pour l’opposition, à la simple raison que l’Etat est porteur de ce qu’on appelle communément la politique/le pouvoir, une chose dont dépend l’aptitude et la légitimité à gérer les affaires d’un pays. Si la politique est bonne, tout ira bien.
En dépit de tout cela, je dirai que les préoccupations des citoyens et leurs problèmes sont présents avec force dans les activités de l’opposition, lors de ses meetings, ses congrès, ses marches.
A ces différentes occasions, étaient présentes des préoccupations du genre, comme la hausse des prix, les conditions de vie difficiles, l’insécurité, le chômage et la souffrance des jeunes, la gabegie sous ses différentes formes, les soucis des populations de l’intérieur et de la diaspora.
Il n’y a pas lieu de surenchérir bien que les attentes du peuple méritent d’occuper une place beaucoup plus importante dans tout ce que l’opposition décide ou entreprend.
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